Tout commence vers 1920 avec la création de la Cité du Château.
C’est une Cité-jardin ouvrière créée par la Compagnie des Chemins de Fer du Nord sous la houlette de Raoul Dautry. Cette Cité, située au confluent de la Somme et de l’Avre est aussi enclavée entre 2 axes ferroviaires importants, la ligne Paris-Boulogne via Amiens et le raccordement de la ligne Amiens-Lille. Sa position géographique l’isole de Longueau , sa commune de rattachement, mais lui confère son caractère de village. Située sur l’emplacement du parc d’un ancien château du 18éme ( le Château Tourtier), la Cité a bénéficié de la végétation du parc arboré. Elle comporte 27 maisons d’architectures différentes, construites avec du mâchefer provenant des machines à vapeur (le recyclage était déjà de mise à l’époque). Lors de la dernière guerre 2 maisons sont détruites suite aux bombardements. Et le château, fortement endommagé, fut peu de temps après, démoli. Quelques lézardes sur les murs de certaines maisons témoignent encore de cette époque funeste. Lors des inondations de 2001, les maisons ont les pieds dans l’eau, mais rien n’y fait, elles résistent toujours à l’image des cheminots résistants, qu’elles ont hébergés durant la dernière guerre.
Octobre 2006, le temps se gâte pour la Cité. Les élus de l’époque ainsi que le bailleur décident d’un commun accord de raser ces veilles maisons sous prétexte qu’elles sont vétustes et dangereuses. On propose alors aux habitants, en remplacement de leurs belles maisons, de superbes « clapiers à lapin », en béton et de qualité HQE ! La pression est mise sur les locataires (nous sommes tous locataires dans la Cité) et principalement sur les personnes âgées afin de déguerpir au plus vite. Face à cette menace tous les habitants se concertent et nous décidons de créer une association de défense de notre Cité (ASPAEL = Association pour la Sauvegarde du Patrimoine Architectural et Environnemental de Longueau). Le combat commence, mais à armes inégales, le pot de terre contre le pot de fer. (Voir Dossier Presse Courrier Picard 23 Octobre 2006 et Picardie Gazette du 22 Novembre 2006))
Chaque maison qui se vide est systématiquement murée, les fenêtres et les portes sont remplacées par des parpaings. Les pressions continuent de la part du bailleur qui nous fait bien sentir que nous ne sommes que des locataires, et des élus de l’époque qui, au lieu de nous défendre, ne pensent qu’à raser la Cité afin de densifier un peu plus la population de la commune de Longueau.(Voir les articles l'Union du 2 mars 2007 Page1 Page2 Page2 b Page 3) Malheureusement la population est âgée, et beaucoup de personnes faibles et résignées quittent la Cité, la mort dans l’âme, après avoir vécu une vie paisible et heureuse dans ces maisons qu’ils ont tant aimées... La Cité se vide de la moitié de ses occupants. Pendant ce temps, l’association se démène et tous les moyens sont bons pour préserver les maisons : banderoles, tracts, articles de presse et manifestation du 12 Juillet 2007….
Quand la vraie bonne idée nous vient à l’esprit : Faire une demande de classement aux Monuments Historiques. La demande est faite et le dossier est retenu par la DRAC (Accusé de réception de la DRAC du 1 mers 2007).
En effet la Cité présente un intérêt patrimonial évident: c’est une cité-jardin exceptionnelle par sa conservation (les maisons n’ont jamais été vendues à des particuliers donc elles n’ont subies aucunes modifications majeures), par les différents types d’architectures (9 types différents), puis par sa taille (c’est une petite cité ouvrière pour l’époque contrairement à Tergnier ou la Cité du Plateau de Longueau). Après plusieurs réunions à la DRAC, grâce notamment à l’appui de nos nouveaux élus et de la ténacité de l’ensemble des habitants, la Cité est enfin inscrite aux Monuments Historiques en séance du 29 Mai 2008 . Depuis ce jour,le bailleur ICF, filiale de la SNCF, désire en faire une vitrine et un modèle aux nouvelles normes environnementales (Voir Document ICF). Les rapports entre le bailleur et les habitants se sont bien améliorés depuis et sont en bonne voie pour faire de notre quartier aux maisons, soit disant insalubres et dangereuses, un « beau » quartier. Certes la moitié de la population partie ne reviendra certainement pas, mais la moitié restante est optimiste, motivée, et prête à accueillir les nouveaux habitants après la réhabilitation des logements murés.
Tout reste à faire, une page est tournée, mais nous réalisons enfin que notre Cité a encore de beaux jours devant elle. Cette réhabilitation conduit aussi les habitants à se remettre en question et à accepter les futurs changements: L’intégration d’une nouvelle population n’ayant aucun attachement à la Cité du Château. Pour cela le bailleur nous met à disposition un logement afin que nous puissions nous réunir et accueillir les nouveaux arrivants et créer un atelier « Mémoire ».
La Cité de Raoul Dautry, concept révolutionnaire pour l’époque, « la Ville à la Campagne » et aussi modèle de mixité social, est de nouveau d’actualité. La Cité du Château « rafraichie » pourra désormais figurer dans le « Guinness » des Cités modèles. Conçue pour le bien être des hommes et dans le respect de l’environnement elle s’inscrira aussi dans les nouvelles normes en matière d’économie d’énergie, réunissant les trois conditions désormais nécessaires de nos Cités contemporaines.
Un grand MERCI à :
- Aux habitants de la Cité lors de notre combat pour la Sauvegarde
- Aux créateurs de l'association ASPAEL : Willy Kefeder, Thierry Caron, Delphine Kefeder
- Au photographe de l'association : B Duperrey
- Aux élus actuels de Longueau et plus particulièrement à Colette Finet Maire de Longueau
- Au Personnel de la DRAC : Pascale Touzet Recenseur des MH, Isabelle Barbedor Chercheur à l'inventaire des MH, Marianne Sauvage Architecte aux Batiments de France..
Et enfin, pour n'oublier personne, merci à tous les amis qui nous ont soutenus...
Pascal PLE pour ASPAEL